Alain Fraval / Peintures / Paysages ?


Récits-paysages
AFPD, 1997

L’île vierge

Au bout des océans, et bien que presque inaccessible, l’île avait été envahie par les animaux domestiques : des vaches, des moutons et des lapins apportés par de très anciens colons aujourd’hui disparus.

Les pullulations de lapins avaient été stoppées par la myxomatose. Mais rien n’avait limité celles des chèvres et des vaches devenues sauvages, sinon la nourriture disponible ; ni les incendies naturels, ni les massacres sanguinaires organisés par des chasseurs peu scrupuleux qui débarquaient en bandes incontrôlables n’avaient eu raison des troupeaux envahisseurs.

Seuls, quelques scientifiques sur le continent lointain, tentaient de mobiliser l’opinion publique. Cette invasion faisait, en effet, planer une menace grave sur une espèce endémique de radis géant qui habitait les falaises de l’île et qui, désormais, n’échappait plus à la dent ravageuse des chèvres. Une espèce rare et unique dont il ne restait plus que dix-sept individus dans le monde.

Un plan de sauvetage fut déclenché, par ordre du ministère de l’environnement du pays dont dépendait officiellement l’île. Un régiment aéroporté fut chargé de faire disparaître les hordes de vaches et de chèvres, si bien que, au bout de quelques années, le radis insulaire put reconquérir les rochers dénudés. Mais les militaires, sans grande connaissance zoologique, avaient massacré tous les herbivores. Non seulement la vie animale disparut, mais le radis se fit lui-même envahissant, déborda les falaises et recouvrit l’île d’une marée verdâtre et compacte qui interdit à quiconque toute pénétration. L’île s’était refaite une nouvelle virginité.


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