Alain Fraval / Peintures / Paysages ?


Récits-paysages
AFPD, 1997

La nature d’Abdallah

Abdallah était né dans le douar de Tiziane. Depuis des lunes, il menait son troupeau de moutons et de chèvres sur les pentes de l’Atlas. Chaque jour, il montait avec eux dans les pâturages, de plus en plus haut au printemps et en été. Puis le froid les ramenait vers le village où la neige les condamnait parfois à l’immobilité. Alors, il coupait avec sa hache les branches des vieux genévriers pour empêcher son troupeau de mourir de faim.

Le garde-forestier de la vallée lui interdisait l’ébranchage, mais se trouvait rarement au pied des arbres quand la neige ensevelissait le village. Et puis combien de fois Abdallah n’avait-il pas coupé des troncs pour les équarrir et en faire des madriers ruisselants de résine odorante ?

Pour justifier son interdiction, le garde n’invoquait pas Dieu, mais la loi et la protection de la nature. Selon lui, les genévriers, ébranchés, taillés, écimés et parfois brûlés allaient mourir, laissant les habitants de Tiziane sans bois pour la cuisine, la lessive et la menuiserie. C’est la mort du village qui devait suivre la disparition des arbres.

Abdallah ne comprenait guère cette obstination aveugle. Si les arbres disparaissaient, on irait chercher le bois dans la vallée voisine ; on l’achèterait au souk ou bien on se procurerait des bouteilles de gaz.

La nature, c’est Dieu qui l’avait créée pour Abdallah et les siens ; la laisser inutile était sacrilège, pensait le berger, en commençant à jouer de la flûte, alors que son troupeau se dirigeait vers le col du Tizi-Melloul.


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