Alain Fraval / Peintures / Paysages ?
Récits-paysages
AFPD, 1997
Sur le bord du chemin, ils chantaient sans discontinuer, régulièrement, en trilles étourdissantes qui fusaient vers le ciel et éclaboussaient les buissons. Seuls, par deux, par cinq ou tous ensemble, ils reprenaient la mélopée dabord lentement, puis le rythme saccélérait et le chant sachevait prestissimo sous la direction dun invisible chef dorchestre. Le concert commençait, chaque soir, à partir de la fin du mois de mars jusquen juin, puis les musiciens disparaissaient comme ils étaient venus : mystérieusement. Il durait quelques heures et semblait sadresser aux nombreux passants qui traversaient les lieux, ralentissaient et sarrêtaient parfois.
Beaucoup plus rarement des passantes, sensibles à la beauté des chants et aux charmes des jeunes musiciens, se posaient timidement sur un banc proche du groupe pour se régaler de ces concerts crépusculaires et fort romantiques. Au clair de lune, fascinées par les artistes-saltimbanques, elles restaient beaucoup plus longtemps que la décence leut permis. Et parfois, lune dentre elles, inspirée par la douceur de la nuit tombante, se mettait aussi à chanter ; elle sapprochait, provoquante, du groupe ravi et jetait son dévolu sur lélu. Dun coup daile, le nouveau couple senvolait alors derrière les frondaisons des forêts.
Cest ainsi que les mâles du Pipromorphe roussâtre (Mionectes oleaginus), petits oiseaux frugivores des forêts tropicales du Nouveau Monde parviennent à se faire remarquer par leurs insaisissables et très volages femelles.
Alain Fraval / Paintings / Landscapes?