Alain Fraval / Peintures / Paysages ?


Récits-paysages
AFPD, 1997

Les mirages les plus bleus

Pour les Européens, le désert est associé aux dunes de sable traversées par des méharées légendaires. Les nomades touaregs, associés à ces paysages de rêve, sont cependant étrangers aux images qui les lient sur le mode idyllique à un univers qui leur est en fait maléfique.

À l’origine du peuple touareg, il y avait une femme, une première femme mythique pour exorciser la peur du désert : ténéré, l’espace du vide et de la mort annoncée, l’immensité sans maître. La nature rassurante et bienfaisante commença avec l’abri de la tente et prit corps dans la femme portant « les symboles de l’eau tatoués sur son corps, tressés dans sa chevelure et stylisés dans ses parures d’argent ».

Car le ténéré, peuplé de génies invisibles, est dangereux. C’est le monde de l’extérieur : de l’essouf dont il faut s’abriter. L’abri est donc le refuge indispensable à la survie : abri de la tente, de la mère, de la femme-mère qui possède la tente et la transmet par son mariage. Dans la poésie touareg, seule la femme est belle, source de passions : femme-jardin, femme-nature, femme-chamelle, femme-étoile, femme-eau et ombre accueillante comme une fraîche oasis.

Aussi les hommes ne sont-ils qu’une dépendance de l’abri sous l’égide de la femme ; le port du voile indigo indique qu’ils ont passé, à l’aube de leur vie d’homme, au moins une nuit entière dans l’essouf maudit contre lequel les femmes sont protégées. Sauf au moment du voyage, quand la tente est pliée, ce qui les contraint à se farder d’ocre rouge pour se protéger des esprits.

Refuge féminin contre la solitude mortelle, la bonne nature des nomades du Hoggar n’a pas de point commun avec les rêveries occidentales de paysage. Mais ces dernières tentent parfois les intellectuels touaregs comme les mirages du désert. « Les mirages les plus bleus sont les plus mortels ».

Merci à Assia


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