Alain Fraval / Peintures / Paysages ?


Récits-paysages
AFPD, 1997

Le moulin à musiques

Sur les bords de la rivière, la meule du vieux moulin ne produisait plus de farine. Depuis longtemps, la roue s’était arrêtée et, année après année, se délabrait sur le bief désert, mais fort bien entretenu.

Soigneusement restauré, le moulin ressemblait à ces maisons baroques que les illustrateurs de bandes dessinées peuplent de nains et de lutins. Les escaliers, étroits et raides, débouchaient sur des portes trop basses, mais les visiteurs s’y pressaient, régulièrement et intensément. Ce lieu exquis, entre eaux et bois, était devenu un temple de la musique et du théâtre.

On n’y priait pas vraiment, mais on s’y recueillait, l’œil mi-clos et le souffle ralenti, à l’écoute de musiques quasi célestes. Quand les sons cristallins se déployaient dans les alcôves aux planchers couverts de tapis ; quand les mélopées d’Orient venaient caresser les oreilles consentantes ; quand les parfums d’encens embaumaient les petites salles de concert éparpillées sous les arbres.

L’eau du moulin d’Andé n’apportait plus de farine, mais des nourritures spirituelles : une relation au monde par le médium de la musique. Le moulin était une mémoire, mais aussi un avenir : il semblait une providence comme un stûpa bouddhiste au milieu du désert tibétain.


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