Alain Fraval / Peintures / Paysages ?



Textes

Par Pierre Donadieu, Étienne Landais, Adrian Darmon, Pierre Donadieu

Dans la presse


La peinture d'Alain Fraval

Alain Fraval a fait son entrée en peinture, simplement, en constatant que ses toiles rendaient compte de sa relation au monde. Au cours de son long séjour au Maroc, sa production sera à peu près régulière, de deux à plusieurs toiles par an, qu'il exposera à Rabat, en 1990, à la galerie Kalila wa Dimna, avant son retour en France. Une fois à Paris, sa production, un instant interrompue, repend avec des formats plus petits et s'intensifie. La diffusion de ses oeuvres dépasse alors son entourage familial et amical. Ses toiles trouvent un marché à la mesure de son talent.

Ses premiers essais, au pinceau et sur carton, sont abstraits, exceptionnellement figuratifs. Après des tentatives de collages et de travail de la matière (papier d'aluminium, mastic de carrossier, fil de fer...), il adopte presque définitivement le travail au couteau, par superposition, grattage, repoussage et frottage de la couleur à l'huile sur un support de papier fort ou de carton. Une technique préférée à la toile, mais aussi liée à la difficulté de se procurer les supports voulus au Maroc, où il vivait. Quelques tentatives à l'acrylique ne seront pas poursuivies.

Alain Fraval peint ses tableaux généralement à plat, afin de pouvoir aisément intervenir depuis tous les points de vue possibles sur l'oeuvre en gestation. Le tableau a une orientation, est fait pour être contemplé sur paroi verticale, amis est susceptible d'être retouché, repris, modifié jusqu'à ce que le regard du peintre soit satisfait. En effet, le projet du tableau n'obéit pas à une structure préalable esquissée sur le support ; les couleurs sont d'abord étalées, reprises, grattées, jusqu'au moment où l'assemblage des formes et des plages de couleurs est perçu comme une cohérence cadrée, harmonieuse, satisfaisante pour l'oeil de l'artiste. L'aléa est un des facteurs de composition de la toile, qui, sauf dans quelques-unes des dernières productions, reste imprévisible, unique et non reproductible.

L'activité picturale d'Alain Fraval ne s'inscrit pas dans une école de pensée, n'obéit à aucun académisme. Elle est autonome et autosuffisante : " Je ne me sens proche de personne en particulier ". Son oeuvre n'est pas statique ni monotone. Bien que la technique soit dominée par le grattage-repoussage, des variantes apparaissent, utilisant ici l'incrustation, là l'empâtement, créant parfois un relief qui rend sensible le travail de la matière. Ses tableaux sont abstraits et sans titre, ils ne représentent ni ne figurent. Tout au plus, et aux dires du peintre lui-même, certaines oeuvres sont-elles proches de paysages - de neige, de campagne nivernaise, du Maroc. Pas de message mais une composition colorée.

Les couleurs sont primordiales ; elles jouent souvent sur des valeurs sombres et claires et sur l'apparition du fond blanc (parfois fort complexe) révélé par le grattage. Elles organisent l'espace de la toile, provoquent l'imagination, déclenchent le rêve. Dans les dernières oeuvres (période française), la lumière devient plus vive et structure vigoureusement l'espace du tableau. Les textures bleues l'emportent aujourd'hui comme hier ; les roses et carmins appartiennent au Maroc.

Le jeu des couleurs relève de registres contrastés, sages, vibrants ou frénétiques. Une évocation de l'ambiance colorée des souks du Maroc est demeurée oeuvre unique. La surface colorée exprime l'artiste lui-même. Elle n'illustre pas mais suggère. Les toiles monochromes donnent à lire une profusion de formes qui tendent à l'inépuisable. L'expression de l'artiste cède alors la place à l'imaginaire du spectateur. Le fantastique, le mystérieux, le pathétique, l'angoissé, le paisible sont alors partageables dans l'au-delà lyrique de la toile. La finesse, la recherche du trait sont parfois scrupuleux et entomologiques, révélant, derrière les formes énigmatiques, un univers inquiétant, grouillant de vies improbables. Dans d'autres cas, surtout dans la première période marocaine, les structures colorées, bleu-blanches, bleu-oranges, bleu-jaunes, carmins, etc. sont la seule magie de la toile. Elles exposent un texte sibyllin constamment renouvelé par la condensation des tons et des effets de lumière, un propos inépuisable que l'artiste alimente de son imaginaire secret.

Les compositions colorées varient autour de plusieurs thèmes affleurant de l'inconscient. Les fractures, émergences lumineuses linéaires, créent un horizon imaginaire sur la surface sombre du tableau. Les paysages symboliques invitent par leurs tonalités bleutées à l'évasion céleste ou marine. Les contrastes violents rouges ou verts sont autant de déchirures intérieures. Ces instants sont rares, chaque toile s'inscrivant en général dans un dégradé de valeurs paisibles et sereines. Les palettes renvoient directement à la représentation habituelle de la palette du peintre, comme si Alain Fraval, qui ne dispose pas de cet outil académique, l'illustrait inconsciemment. Taches, mélanges, écoulements, juxtapositions de couleurs apparemment aléatoires en découlent, dirigées, organisées, combinées dans un lacis de formes juxtaposées ou imbriquées. Les monochromes, bleus, violacés, jaunes, oranges, carmins ou gris jalonnent l'oeuvre. Ils imposent la couleur unique comme un signifiant propre au delà des structures constitutives qui accrochent le regard.

L'infini variété des compositions, linéaires, tachistes, spiralées, inflorescentes ou réticulaires, et des combinaisons colorées renvoie à l'inépuisable inspiration du peintre, qui montre, dans des dernières créations, que ses registres d'expression se renouvellent en permanence. Le plaisir de l'oeil n'est jamais déçu. La curiosité y trouve une stimulation permanente.

Pierre Donadieu, décembre 1991


Le naturalisme abstrait

Du 12 mars au 29 avril 1998, La Galerie 147 a exposé trente œuvres d'Alain Fraval. Ces mêmes murs avaient également accueilli, il y a exactement deux ans, une dizaines d'huiles de cet artiste secret, ce qui a permis aux spectateurs de mesurer le chemin parcouru.

Car l'évolution s'impose : la palette a changé. Les tons ont refroidi. Les bleus et jaunes, toujours présents, se sont parfois fondus dans le vert. La recherche s'est intériorisée encore, épurée, comme dans les monochromes superbes qui lui ouvrent des pistes nouvelles et prometteuses. Jusqu'aux formats de ces tableaux sans titre, qui se sont réduits.

Jamais pourtant la signature ne fait de doute. Jamais le changement ne menace la permanence et la maîtrise d'un style dominé par la présence de motifs architecturaux puissants, fractures, symétries, cloisonnements, répétitions, qui rythment l'espace du tableau, délimitant de grandes surfaces homogènes et ménageant des recoins où la couleur rythmée, maltraitée, chaotique, semble défier la structure de l'ensemble, avant de laisser voir qu'elle s'organise tout aussi rigoureusement, à une échelle beaucoup plus fixe.

Cet affrontement systématique de l'ordre et du désordre, où la nécessité naît du hasard de l'autoorganisation de la matière picturale, ce jeu constant des niveaux d'échelle, évoquent irrésistiblement le spectacle macro- ou microscopique de la nature, source inépuisable de l'inspiration de l'auteur. Ici, c'est un paysage qui surgit. marais salant, cultures en terrasses ou jardin anglais. Là, c'est l'aile d'un papillon qui bat, les cellules d'un vaisseau qui palpitent.

Partout, c'est le talent d'Alain Fraval, créateur du naturalisme abstrait. qui transparaît.

Étienne Landais, avril1998


Un univers de traces
Urbaines ou campagnardes
Couleurs grises ou criardes
Plans ou maisons et terrasses.

Dans ce dédale et ces labyrinthes
Confrontés à des plaintes
Nos yeux finissent par s'égarer
Et notre esprit se trouve désemparé...

Face à ces nombreux messages
Et ce spectacle de concassage
L'interrogation point sans cesse
Babel serait-elle enfin en liesse ?

Adrian Darmon,
octobre 1999
Artcult


Un nouveau texte, douze ans après...

En ligne sur la page Livre d'or, de l'exposition virtuelle

La galerie de peintures d'Alain Fraval

Dans chaque toile, les couleurs et les formes se mêlent et s'assemblent en volutes, plages et trames renouvelées. Sans titre, dépouillées de sens immédiat, les peintures se livrent vierges aux regards du public. Ni figure, ni paysage, chaque image abstraite est souvent à décrypter comme une mise en abyme insondable aux significations sans limites.

Tapis chatoyants, temples mystérieux, scènes de théâtre aux rideaux chaleureux, déflagrations luminescentes, vaisseaux monstrueux dans l'espace intergalactique, entrailles de cavernes, fonds marins troubles, campagnes givrées, vitraux à hiéroglyphes, champs de batailles dévastés, villes ruinées, insectes désarticulés ou fragments improbables de carte d'ordinateur, chaque peinture est une énigme à déchiffrer ou un monde à déployer. Pour les uns, elle reste un mystère ; pour les autres, interprétée, elle ouvre les voies d'une adhésion inconditionnelle.

Alain Fraval donne à apprécier les paysages que son public fait naître. Pour réussir cette entreprise poétique, il peint depuis presque trente ans ses espaces intérieurs, de Rabat à Boulogne et dans sa maison familiale à Vignol dans le Nivernais. Inlassablement, méthodiquement, surtout l'été quand il interrompt son activité de rédacteur en chef du Courrier de l'environnement de l'INRA.

De petits (29,7 x 42 ou 36 x 51 cm) ou moyens formats (41 x 61 cm), ses toiles sont monochromes ou polychromes. Leur singularité résulte d'un mode de composition de l'image qui a évolué surtout au cours des dernières années en trouvant ses propres règles. Il y a quinze ans, les peintures n'avaient ni la profondeur fantasmatique, ni la richesse de couleurs chaudes ou froides que la plupart révèlent aujourd'hui.

Sans doute certaines, dans les tonalités grises ou brunes, conservent-elles la sobriété graphique des débuts, mais beaucoup d'autres, travaillées et affinées, ont acquis une qualité des détails qui fait penser aux objets fractals. Car ce travail est aussi intérieur pour le peintre. Il y eut une époque où l'infinie superposition des fenêtres intérieures des peintures ouvrait surtout sur des mondes imaginaires clos et tourmentés. La période actuelle montre plutôt des images ardentes, lumineuses, fourmillantes et effervescentes. L'image palpite, frémit, se contracte ou se déploie. Elle s'impose comme un tout, mais chaque partie détient son autonomie et devient un motif séparable du reste du tableau.

Alain Fraval dispose d'une écriture expressive (expressionniste ?) qui a atteint sa maturité technique. Son style est resté fidèle à ses origines : une exploration perfectionniste des infinies combinaisons de la matière colorée sur la toile, indifférente aux modes ; une invitation dans un théâtre d'ombres et de lumières à des voyages imaginaires et à des émotions inattendues.

Pierre Donadieu, décembre 2003


Dans la presse

Le Journal du Centre, 11 septembre 2005 : Paysages imaginaires d'Alain Fraval



L'Yonne républicaine, 15 septembre 2005 :  Choisir entre peindre et sortir, par Dominique Magd




Le Messager de l'amitié, juillet-août 2006 :  Alain Fraval, peintre ingénieux, par Christine Capitain

Planté à l’angle de deux rues, un solide bâtiment de pierres –nouvellement rénové, semble-t-il- s’ouvre sur une cour partiellement fermée sur la rue, par un mur. Le bâtiment, genre fermette, se termine par un escalier de pierres anciennes, qui conduit au grenier éclairé de mansardes. Mais ce que l’on voit d’abord, au fond de la cour, face à l’entrée, c’est  la porte-fenêtre jaune qui occupe la largeur d’une construction rectangulaire, sans autre prétention architecturale que de capter la lumière : l’atelier, tout de blanc revêtu, extérieurement –mis à part le jaune lumineux de la porte- et intérieurement. Tel apparaît le domaine du peintre Alain Fraval à Vignol.

            Alain Fraval est un scientifique. Ingénieur agronome, spécialiste des insectes, il étudie notamment des bestioles minuscules de quelques mm qu’on appelle « tigres », sans doute parce qu’elles sont très dévoreuses…de feuilles de platanes, de poirier ou de rhododendron.

            Sa carrière de peintre a commencé en même temps que l’autre. Mais pas comme le peintre amateur qui part avec ses pinceaux planter son chevalet devant un monument ou un site! Certes, il ne doit pas être insensible au magnifique panorama qui s’offre aux fenêtres de l’atelier, mais ses tableaux ne sont pas des images de paysages.

            Comment donner une idée de ces œuvres si personnelles ? Ma première impression fut qu’elles étaient inspirées par l’architecture : beaucoup de lignes, d’angles, parfois des enchevêtrements de poutres, de fenêtres, d’escaliers…Certains tableaux se développent autour de deux lignes horizontales. D’autres à partir de plusieurs « cases » régulières. Ici, ces deux lignes courbes ne suggèrent-elles pas un pont et son arche ? Là, une foule de petits sujets rappellent la calligraphie tamoule ! Un fourmillement ! J’ai dit le mot au sortir de l’exposition du Poteau, sans savoir les liens de l’auteur avec les insectes ! Mais ne vous attendez pas à reconnaître libellules ou autres tigres ! Bref, chacune de ces œuvres peut susciter quantités d’interprétations, et une méditation infinie.

            Les couleurs ? Le fond blanc disparaît presque totalement sous ces lignes, ces taches de nuances fondues, à partir soit du brun, soit du rouge, soit du bleu, ou du gris. Inspiration monochrome ou rehaussée ici d’une touche de jaune, là de bleu, ou de noir.

            Ce qui fait aussi l’intérêt et l’originalité de ces œuvres, c’est la technique : les différents couteaux de peintre remplacent les pinceaux ; et les produits utilisés réalisent un aspect parfaitement brillant, et d’un entretien rêvé : un simple chiffon humide garde le tableau éternellement net.

            Alain Fraval fait partie de l’association « Alter-ego », fondée par Joëlle Bailly à Monceaux le Comte. C’est un lieu d’échange et de partage qui réunit des artistes, peintres, photographes, artisans d’art de différentes techniques. L’association organise des expositions, individuelles ou collectives, animations de rues, etc. Notez bien : A partir du 22 Mai, et jusqu’au 1er Septembre, un « labyrinthe d’art brut » s’installe au siège d’Alter ego, à l’ancien presbytère de Monceaux le Comte.

Ch.C.


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